S’inscrire dans la continuité…

la veille de décoller pour la Floride, à Kissimmee, où va se jouer la troisième Coupe du Monde de foot fauteuil du 3 au 10 juillet 2017, Bernard Berthouloux, sélectionneur et entraîneur de notre équipe nationale s’est arrêté au 26 rue de Kersabiec, et a répondu aux questions concoctées par Julien, notre interviewer maison. 

Bonjour Bernard, merci de répondre à cet interview pour le Canard Ensoleillé, sur la prochaine Coupe du Monde qui va se dérouler prochainement en Floride. 

Salut Julien, merci une fois de plus de m’inviter à parler de l’équipe de France, je suis  ravi de répondre à tes questions. 

La prochaine Coupe du Monde va bien se dérouler en Floride en juillet 2017. C’est tout proche maintenant, on attend avec impatience le départ et d’être sur place et advienne que pourra… 

01 équipe de franceL’équipe de France est en stage de préparation à Amiens du 26 février au 5 mars 2017.  crédit photo : handisport.org

Pourrais-tu rappeler la liste des joueurs sélectionnés ? 

Dans la liste des joueurs sélectionnés il y a en majorité le groupe qui a été Champion d’Europe en 2014 en Irlande. On a fait le choix cette année, d’envoyer deux gardiens, c’est une première. Nous avons donc pris : Sylvain Malard qui joue à Auch et Marie Battistella qui évolue à Toulouse dans le but. En défense : Erwan Conq de Brest, Julien Reniers qui joue à Villeneuve d’Ascq et Bryan Weiss de Grafteaux dans le nord de la France. Le milieu de terrain est tenu par Mohamed Ghelami de Auch, par Tristan Delmas de Toulouse et par le petit dernier, Tristan Le Beller de Kerpape. Il est arrivé il n’y a pas si longtemps, s’est imposé immédiatement dans ce groupe et a confirmé depuis. En plus on le fait jouer à un poste dans lequel il n’évolue pas habituellement en club. On ne pouvait pas ne pas l’amener à la Coupe du Monde avec nous, je pense que ce joueur est un atout supplémentaire pour notre équipe.

Comment avez-vous préparé cette troisième Coupe du Monde ? 

On a eu la chance de faire deux rencontres contre l’Argentine lors d’un stage à Limoges. Les argentins sont venus se préparer en France, ils souhaitaient nous rencontrer. On a joué deux matchs amicaux contre eux, deux matchs qu’on a gagnés mais c’est logique, ce n’est pas la même échelle de valeur. L’argentine est une nation qui vient de démarrer le foot fauteuil, ils ont de bons joueurs qui sont en phase d’apprentissage, tactiquement ce n’est pas encore tout à fait au point. Ils n’ont pas le recul qu’on a sur la compétition, mais ce n’est pas grave, c’était important pour eux, c’est important pour nous de pouvoir jouer contre d’autres équipes. Sur l’avant dernier stage à Amiens, l’équipe du Danemark a fait le déplacement pour nous rencontrer. On a joué quand même quatre rencontres amicales sur deux jours et c’était intéressant, mais ce ne sont pas des nations qui sont postulantes à être dans le dernier carré de la Coupe du Monde. C’est important pour nous de jouer, de roder des mouvements, des actions de jeu, des phases arrêtées, mais en terme de niveau ça n’apporte pas grand-chose.

L’équipe de France est Champion d’Europe en titre, partez-vous avec plus de certitudes que lors des deux précédentes Coupes du Monde ?

Je n’appellerais pas cela des certitudes, je le qualifierais plutôt de continuité dans ce qu’on avait commencer à faire après la Coupe du Monde en 2011 à Paris. Cette coupe du Monde devait avoir lieu en 2015, elle a été reculée pour des raisons financières en 2017. A un moment donné on a même cru qu’elle n’allait pas se faire et puis entre temps on a eu la chance d’avoir ce Championnat des Nations en 2014. Ça nous a permis de préparer quelque chose, les joueurs sont tous des compétiteurs, moi c’est ce que j’aime aussi, donc faire des stages pour faire des stages c’est bien mais quand il n’y a pas d’échéances à préparer c’est moins intéressant. Cet Euro nous a permis  d ‘évaluer notre valeur. On a quand même rencontré l’Angleterre qui est vice-Championne du Monde, ce n’est pas rien, et puis on a réussi à être Champion d’Europe. Maintenant on s’est inscrit dans une continuité au niveau de l’électif en rajoutant des joueurs qui peuvent apporter un plus à ce groupe. Je pense qu’on a fait vraiment une très, très bonne préparation.  

Après, pour ce qui est de cette Coupe du Monde, on sait que ça va être compliqué, parce qu’elle se joue au États-Unis, le pays qui est deux fois Champion du Monde, qui va forcement nous attendre, qui va jouer sur ses terres, qui est venu nous battre chez nous. Notre plus grand rêve c’est d’aller la chercher chez eux. Une Coupe du Monde c’est très, très aléatoire, ça dépend de plein de choses, il peut toujours se passer des petits faits au dernier moment qui peuvent déstabiliser un groupe . En tout cas on a essayé de mettre le groupe dans les meilleurs conditions possibles. Maintenant il va falloir être très fort sur le terrain, je pense qu’il va y avoir de la pression, c’est évident…

02 bernard et Julien

Quand tu parles de pressions, est-ce que le fait que ce soit chez eux, les américains se rajoutent une pression supplémentaire ? 

C’est évident, j’ai réussi à avoir quelques échos, c’est tout à fait ce dont ils craignent. C’est plus compliqué de jouer à domicile, on l’a vécu à Paris. On s’est peut-être laissé dépasser par les événements, on ne s’attendait pas à avoir tant de monde à venir assister à ces rencontres, ça a beaucoup impressionné les joueurs. Maintenant on est prévenu de tout cela, il y aura certainement autant de monde aux États-Unis, il va falloir affronter tout cela, la différence c’est qu’on ne sera pas chez nous, il y aura peut être un peu moins de pression, mais ça fait tellement de temps qu’on l’attend cette coupe du monde. C’est la troisième, et ça fait deux fois qu’on passe à côté, il va falloir gérer tout cela avec les joueurs. Il y a une chose qui nous avantage, sur le papier du moins, c’est le tirage au sort des pools. On est tombé dans une pool compliquées d’entrée de jeu, alors que les américains ont tiré une pool largement à leur portée. On va déjà être obligé de batailler, de rester concentré sur tous les matchs, on n’aura pas un match facile. Comme on leur a expliqué plusieurs fois, une Coupe du Monde se gagne à huit, et se perd à huit… on aura besoin des huit joueurs, et faire que tout le monde soit concerné jusqu’au bout. Cette année la différence qu’il y a avec les deux dernières éditions, c’est qu’il y a des quarts de finale, c’est intéressant parce qu’il y a un match de plus à devoir gérer avant d’être dans le dernier carré, et c’est primordial, c’est encore le côté un peu plus excitant de l’aventure.

Je reviens sur l’aspect tactique, est ce que tu as trouvé le joueur pour contrer Michael Archer ?

Michael Archer, à chaque fois on nous parle de lui… Sur internet on a visionné quelques matchs de la phase finale du Championnat Américain. Ce n’est pas un Michael Archer qu’ils ont, mais deux ou trois… Nous avons des forces qu’on n’avait certainement pas à Paris en 2011, j’en suis plus que convaincu. On a des joueurs qui ont une autre mentalité, qui n’ont pas disons, gagné avant de jouer, ce groupe je le sens vraiment costaud. Je n’affirmerai pas qu’on sera Champion du Monde, j’affirme qu’on fera tout pour être en finale…

L’équipe de France a-t-elle gagné en maturité et en professionnalisme ?

Le groupe est beaucoup plus jeune qu ‘en 2001 mais tous les joueurs jouent des finales de coupe de France, des ligues des champions, se disputent le titre de champion de France tous les ans…  ils  sont habitués à gérer des matchs où il y a de la pression. 

Ce qui est exceptionnel, on a un joueur qui vient d’une autre planète… il n’a que 18 ans, mais en deux ans, entre l’Euro et la Coupe du monde il a pris une maturité énorme. Ce qui est génial, en équipe de France, il sait faire jouer tout le monde, on a réussi à lui faire comprendre qu’il ne pouvait pas faire la différence à lui tout seul. J’espère que ça va être sa Coupe du Monde, qu’il va montrer au monde entier que c’est le meilleur joueur de foot fauteuil au monde parce qu’on a notre « Messi » à nous dans cette équipe…

Le groupe est très homogène et très complémentaire. On a beaucoup plus de possibilités de faire tourner l’équipe qu’on en avait en 2011 à Paris. C’est important sur une compétition qui dure que 5 jours, où les matchs s’enchaînent, qu’il faut penser aux temps de récupération et gérer les moments de décompression… 

03 bernard

Est-ce qu’un cuisinier va vous suivre au États-Unis, ou allez-vous manger à l’américaine ?

Non, on va manger à l’américaine, on ne va pas quand même se permettre d’amener un cuisinier avec nous, on va faire très attention.. On arrive 4 jours avant le début de la compétition, on va d’abord débarquer à Atlanta, où des amis américains qui supportent l’équipe de France nous accueillent. On va faire une dernière préparation avant de rejoindre la Floride. Sur le site de la Coupe du Monde, on aura un entraînement à huis clos d’une heure et demie et un autre d’une heure et demie également ouvert au public. Après les classifications, on entre dans le vif de la compétition, le premier jour on joue 2 matchs de pool, puis 2 autres le deuxième jour, les quarts de finale vont s’enchaîner, les demi suivies de la finale … ça va passer très vite… 

Quoi qu’il arrive ça sera ta dernière compétition avec l’équipe de France ? 

Oui c’est clair, c’est vraiment sûr et certain, quoi qu’il arrive, qu’on soit Champion du Monde, ou qu’on ne le soit pas c’est la dernière…. Après, j’arrête, c’est annoncé, au niveau de la commission foot fauteuil et de la Fédé, j’arrête c’est sûr. Je continuerai avec Lorient, mais l’équipe de France se sera fini.  

Est ce que tu connais déjà le nom de ton successeur ?    

Les joueurs et la Fédération ont toujours adhéré à notre projet, d’ailleurs c’est aussi elle qui nous a demandé de continuer après le semi-échec de 2011. Ça veut dire que la Fédération avait confiance en ce qu’on faisait et il ne faudrait pas tout jeter. Il y a des bases qui ont été posées, après le sélectionneur qui viendra, peut-être qu’il travaillera complètement différemment, c’est lui qui verra. 

Mon successeur, non je ne le connais pas. Le directeur sportif de la commission Franck Croullière , arrête aussi après la Coupe du Monde, c’est le nouveau directeur sportif qui va décider dans sa nouvelle commission avec qui il souhaite travailler. On en a parlé avec Franck, il faut absolument lui glisser quand même un nom à l’oreille, après il en fera ce qu’il voudra. J’aimerais bien que ça s’inscrive dans une continuité… 

J’ai commencé comme adjoint de Jean-Luc Feydit en 2007, après j’ai pris le poste de numéro un dans la sélection. Il y a eu 2011 à préparer, puis le Championnat d’Europe des Nations en 2014 et la Coupe du Monde 2017. Je me dis que si je ne la gagne pas ce coup ci, je ne pense pas que je la gagnerai un jour, donc il faut laisser la place à quelqu’un autre. C’est une compétition qui devient de plus en plus exigeante, toutes les équipes progressent. 

A noter un changement important par rapport aux autres Coupes du Monde, où chacun venait avec des fauteuils différents, pour cette édition, toutes les équipes vont être équipées du même matériel, on va être tous sur le même pied d’égalité. 04 bernard

En parlant de fauteuil, j’ai entendu parler d’un fauteuil de compétition Suisse, l’avez-vous essayé ?  Qu’est ce que tu peux en dire ?  

je suis allé à Paris, pour tester ce fauteuil. C’est un fauteuil vraiment très chouette, il a des plus par rapport au Strike, il a aussi des moins, les deux se complètent pas si mal que ça. On l’a testé avec des joueurs, les concepteurs vont continuer à travailler les points faibles sur lesquels on leur a donné des précisions. C’est un prototype pour l’instant, en tout cas c’est un fauteuil qui a du potentiel, qui se rapproche certainement de très, très près au Strike. On ne s’attendait pas à avoir un produit aussi abouti, les fabricants ont hyper bien bossé, ce sont des gens très motivés qui veulent vraiment apporter encore des plus. Il y a une grosse différence avec ce fauteuil par rapport au Strike, il a des batteries au lithium, en une heure le fauteuil est chargé, et il pourrait peut-être pris en charge par la sécurité sociale, parce que c’est un fauteuil européen. C’est un fauteuil très intéressant dans l’avenir, donc à suivre…    

Merci Bernard de m’avoir accordé cet interview, et j’espère que pour le prochain entretien tu viendras avec la Coupe du Monde…

Interview réalisé par Julien P.
mise en texte par Thierry G.
  juin 2017

 

Groupe A : États-Unis ; Danemark ; Japon ; Argentine ; Uruguay.

Groupe B : Angleterre ; Irlande ; France ; Canada ; Australie.

Pour suivre la Coupe du Monde : http://fipfaworldcup.org/

 

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