« Il faut toujours croire en ses rêves »

En 2012, Frédéric Sausset était amputé des quatre membres à cause d’une septicémie foudroyante. En juin 2016, il a participé, à bord d’un bolide dépassant les 300 km/h, à la plus prestigieuse des courses automobiles d’endurance : les 24 heures du Mans.

motorsport-comPrototype LMP2 Morgan-Nissan de 520 cv…
crédit photo : motorsport.com

défi «fou »
« En juillet 2012, suite à une légère éraflure sur un doigt, j’ai contracté une virulente bactérie, qui en moins de 48 heures, s’est transformée en une septicémie sévère (infection générale et grave de l’organisme par des germes pathogènes). Ce type de septicémie nécrose très rapidement les extrémités du corps avant de s’attaquer aux organes vitaux. Plongé dans un coma artificiel, mon pronostic vital est très sérieusement engagé. Dans l’urgence et pour me sauver la vie, il est décidé de procéder à l’amputation de mes mains et avant bras ainsi que de mes jambes au dessus des genoux. S’en suivent de très difficiles semaines de lutte pour survivre, de douleurs physiques et psychologiques.
Fin octobre 2012, j’ai imaginé et structuré ce défi « fou » qui me permet aujourd’hui de piloter un prototype grâce aux conseils avisés de mon ami et pilote professionnel Christophe Tinseau (11 participations au Mans) qui me coache et m’accompagne dans cette extraordinaire aventure. Ma participation aux 24 Heures du Mans au volant d’un prototype LMP2 Morgan-Nissan de 520 cv seulement à peine 4 ans après ce dramatique accident est devenue une réalité grâce aux nombreux soutiens qui ont été séduits par la dimension de l’exploit.
Pour la saison 2015, nous étions engagés en championnat V de V Endurance Séries au volant d’un proto Ligier JS53 EVO 2 exclusif. Cette saison d’apprentissage m’a permis de me familiariser avec la course automobile de haut niveau. Nos courses d’endurance de 6 et 12 Heures disputées à Barcelone, Motorland Aragon, Paul Ricard  au Castellet sur le circuit F1 de Magny-Cours et enfin à Estoril furent particulièrement concluantes prouvant ainsi que cette aventure est bien réalité. Nous nous sommes confrontés aux autres pilotes et avons acquis notre légitimité, les résultats en attestent… »

media-rtl-fr Embarquement dans le bolide…
crédit photo : Média RTL.f

Comment rouler sans bras ni jambes
Frédéric Sausset a fait breveter son système pour pouvoir piloter une voiture de course et s’en extraire, pour ainsi se retrouver dans les mêmes conditions que les pilotes valides, mais avec une voiture adaptée à son handicap. il fallait par exemple qu’ il  puisse s’extraire seul de la voiture de course pour des raisons de sécurité. Les ingénieurs on mis en place un système qui surélève le pilote à la hauteur des pontons (ouvertures situées après les déflecteurs, qui permettent de mener l’air vers les radiateurs pour refroidir le moteur).
La boîte de vitesses est automatique. Des rallonges de pédales sont fixées sous ses deux cuisses. Avec celle de droite, il accélère, avec celle de gauche, il freine. A son avant-bras droit, il insère un manchon de prothèse doté à son extrémité d’une vis qui se « clipse » dans un boîtier  connecté à la colonne de direction et qui fait ainsi office de volant. Frédéric Sausset prend donc les chicanes avec un seul « bras ». Pour rejoindre le baquet modelé à son corps, il est soulevé du fauteuil roulant par quatre mécanos grâce à une tige mécanique reliée à son harnais. Lors du passage de relais à l’un des deux autres pilotes valides, tous ces aménagements doivent être enlevés dans les paddocks. La voiture retrouve alors à une vitesse éclair sa boîte de vitesses manuelle et son volant classique, opération exécutée en 3 minutes.

pascalphotos-netManchon de prothèse connecté à la colonne de direction.
crédit photo : pascalphotos.net.

Une 38e place bien méritée
Frédéric Sausset est le premier pilote amputé des quatre membres, à disputer la course des 24 Heures du Mans. Il a  bouclé son défi avec brio puisqu’il a réussi à finir la course, alors que onze des 60 concurrents ont été contraints d’abandonner, et que cinq autres équipes ne sont pas classées pour non respect du règlement.
Sa voiture, la Numéro 84, termine donc à la 38e place. Mais le pilote ne remplit pas les conditions pour que son nom soit inscrit au palmarès. Le règlement exige 8 relais. Une condition que l’équipe qu’il formait avec Christophe Tinseau et Jean Bernard Bouvet n’a pas pu remplir.
Lorsque le pilote a pris son dernier départ, quelques minutes avant la fin de la course, son équipe était submergée par l’émotion.
Ils terminent à 69 tours des vainqueurs. « Mais le classement importait peu, il fallait finir à tout prix pour délivrer mon message à destination des personnes fortement handicapées, comme moi. Ce défi est aussi pour elles, pour leur dire que rien n’est impossible dans la vie et qu’il faut toujours croire en ses rêves ».jean-francois-monier-afp

 Christophe Tinseau, Frederic-sausset et Jean Bernard Bouvet.
crédit photo : Jean-François Monier AFP

D’ici quelques jours, Frédéric Sausset devrait annoncer son prochain défi. « C’est tellement indispensable pour moi, pour m’aider à avancer dans la vie et à ne pas me morfondre sur un canapé à regarder la télé ». Et secrètement aussi, il espère que sa voiture entrera au musée des 24 Heures. La voiture qui, en ce mois de juin 2016, a permis à cet homme de vivre un rêve éveillé et de réaliser une première mondiale.

Quentin H & Frank M.
juillet 2016
source RTL, France Bleu, TF1

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *